« Un petit domaine animé par une grande passion : voilà qui donne toujours de bons vins. Mené par un vigneron aussi attachant qu’atypique, ce domaine de Saint-Cyr-sur-Mer produit de bons et vrais Bandol. Mais son trésor est peut-être ailleurs, dans une cuvée qui avoue autant de caractère que son créateur. C’est un simple vin de table, mais c’est un vin de “grandes” tables. Son nom ? L’Indomptable. Tout un programme… »
Le vignoble de Bandol, c’est un peu l’aristocratie des vins de Provence. Ici, le domaine et son nom se transmettent de père en fils. On évite les mésalliances avec les grandes fortunes de l’industrie ou du commerce qui, ailleurs, s’invitent chaque année plus nombreuses aux banquets des interprofessionnelles. Parfois, pourtant, quelqu’un parvient à se faire une place autour de la Table ronde. Thierry Simon, mentor du Domaine de la Chrétienne, à Saint-Cyr-sur-Mer, est de ceux-là, de cette noblesse d’Empire qui a gagné son titre sabre au clair, au bruit des canons qui s’entrechoquent quand, la première barrique ouverte, les copains fidèles trinquent au meilleur vin du monde.
Il se lance dans la bataille en 1999. Cette année-là, son père lui laisse le bout de terre familiale et les vieux murs qui vont avec. Il y a des vignes aussi, parce que le grand-père faisait du vin en son temps, un vin de soif qu’il vendait à Marseille par tonneau de 60 litres. Thierry se dit qu’il y a quelque chose à faire avec tout ça. Le gars a du culot, mais pas d’argent, des diplômes mais pas les bons : un BTS d’électronique et une année en école de commerce. Oui, mais voilà, il a un atout de taille : il sait ce qu’est un bon vin pour l’avoir chassé de nombreuses années du côté de la Bourgogne quand, dans ses jeunes années, il faisait le courtier pour un grand négociant. Alors, il va se mettre à l’ouvrage pour retrouver dans sa propre production l’émotion que lui donnait parfois celle des autres. « En 1999, j’ai écouté ce que me disait l’œnologue. L’année suivante, j’ai fait ce que j’ai voulu. Depuis, je fais des expériences.»
Dans un monde de plus en plus dominé par la chimie et la technologie, il laisse encore parler l’instinct et le jugé, s’accommode de moyens modestes pour aller quérir sa différence. « Aujourd’hui, tout le monde a le même matériel. Ça finit par donner une expression aromatique assez commune. Moi, je me passe d’égrappoir, de fouloir. Au départ, c’était faute d’argent. Aujourd’hui, c’est par souci de ne pas verser dans la conformité.»
Au final, ça se sent. Ses vins n’ont pas de nez trop marqués. Flatteurs. « Pour ça, il me faudrait travailler les baies en sous-maturité, avec une fermentation à basse température. Or, je n’ai pas l’équipement adéquat.» Il pourrait sans doute l’acquérir. Il n’en fera rien. Il aime les parfums discrets ; ça laisse plus de place aux arômes. «J’ai du gras sur mes vins, de la finesse, de l’équilibre.» La plus belle expression de ce travail ? “L’Indomptable“. Un inclassable. A peine, 6.000 bouteilles pour le dernier millésime. « Je lui veux du tempérament. Alors, je lui consacre le meilleur de mon vignoble. Ce que je fais du reste ? Mes Bandol ! »